Le 13 novembre 2015, alors que je m’apprêtais à me coucher, j’ai découvert sur Internet qu’il se passait quelque chose de très grave à Paris et à Saint-Denis : au Stade de France, dans des bars du XIe arrondissement, au Bataclan. Tétanisé, j’ai suivi les événements en direct et, les jours suivants, je suis resté sous le choc. Je ne connaissais personnellement aucune victime, mais je connaissais personnellement plusieurs personnes qui, elles, connaissaient une victime blessée ou tuée.
Parmi elles, Ariane Theiller. Âgée de 24 ans, Ariane était au Bataclan lorsque les terroristes l’ont assassinée. Son parcours me touchait particulièrement parce que, d’une part, elle avait fait un stage chez Flammarion Jeunesse, mon éditeur historique, et, d’autre part, elle travaillait au moment de son décès chez Rustica, revue de jardinage où travaille mon frère.
Les jours suivants les attentats, totalement abasourdi, j’ai ressenti le besoin d’agir, de “faire quelque chose” pour reprendre l’expression de Lucie Aubrac au moment d’entrer en Résistance. Je voulais écrire quelque chose pour tenter de dire l’indicible, d’expliquer l’inexplicable aux enfants.
Toute la difficulté était de faire comprendre que le mal ne venait pas d’une religion ou d’un Dieu, mais de la façon dont certains hommes aimaient cette religion ou ce Dieu. Il fallait donc que je raconte l’histoire d’hommes qui aiment quelque chose de beau et de bon, mais d’un amour qui les rend fous et les pousse à commettre des crimes.
L’idée des roses m’est venue en découvrant, sur Internet, le message laissé par la rédaction de Rustica pour annoncer le décès d’Ariane. Un Internaute a émis l’idée de créer une nouvelle rose et de la baptiser Ariane. J’ai trouvé l’idée très belle et j’ai imaginé la vie d’un village après qu’un vieux jardinier crée une rose tout nouvelle, une rose noire. Elle est si belle que le chef du village n’aime plus qu’elle, et interdit d’aimer toute autre couleur. Le paisible village se transforme alors en dictature.
Après plusieurs réécritures, mon texte a été accepté par Flammarion Jeunesse et magnifiquement mis en image par Romain Dumas. Le résultat, intitulé Village aux Mille Roses est, je trouve, très beau. Pour la première fois depuis que j’écris des livres, j’ai l’impression d’avoir fait œuvre utile.